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Yannick Chatelain, GEM ESC 1994 - enseignant-chercheur à GEM vient de publier : "Le strat'Ego".

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26/06/2018

Tout le monde connaît Yannick Chatelain à GEM. Tout le monde a eu l’occasion de suivre ses enseignements sur les nouvelles technologies, de collaborer à sa dernière expérimentation en marketing online ou… simplement de croiser ses légendaires lunettes de soleil vissées sur son crâne ! Ce trublion du net a pris l’habitude d’observer nos comportements sur les réseaux sociaux. Que pense Yannick de nos pratiques actuelles ? Est-on vraiment addict ? Y a-t-il un remède docteur ?! Propos recueillis par Sébastien Aussal, GEM ESC 2007 et coordinateur Buzz Squad.

Tout le monde connaît Yannick Chatelain à GEM. Tout le monde a eu l’occasion de suivre ses enseignements sur les nouvelles technologies, de collaborer à sa dernière expérimentation en marketing online ou… simplement de croiser ses légendaires lunettes de soleil vissées sur son crâne ! Ce trublion du net a pris l’habitude d’observer nos comportements sur les réseaux sociaux. Que pense Yannick de nos pratiques actuelles ? Est-on vraiment addict ? Y a-t-il un remède docteur ?! Propos recueillis par Sébastien Aussal, GEM ESC 2007 et coordinateur Buzz Squad.

Alors que vient d’être publié son dernier ouvrage, c’est l’occasion rêvée d’en parler ! « Le Strat’Ego » recense justement les meilleures et surtout les pires stratégies en marketing personnel de ces dernières années.

Sébastien : Bonjour Yannick. Félicitations pour l’accouchement du petit dernier ! « Le Strat’Ego » vient encore élargir le champ d’études de tes derniers ouvrages. De quoi s’agit-il ?

Yannick : Il y est question du marketing de soi. Cela concerne toutes les personnes en train de demander à leurs écrans « dis-moi, qui est le plus beau sur Internet ? » On parle sans arrêt d’une force d’addiction aux réseaux sociaux. La Royal Society of Health a mené toute une série d’études sur ce vaste sujet : elle montre qu’au-delà de 25 heures de connexion par semaine, on voit apparaître des impacts au niveau de la santé mentale et des phénomènes de type « Facebook Depression ». Qu’on aime ou qu’on n’aime pas les réseaux sociaux, nous n’avons malheureusement pas le choix et nous devons éduquer nos comportements à ces plateformes. L’idée est d’arrêter de faire tout et n’importe quoi sur les réseaux sociaux, reprendre le contrôle de ceux qu’on utilise et s’en servir de manière pertinente. Qu’on soit étudiant, en poste ou en recherche d’emploi, le marketing de soi demande de la maîtrise en fonction de son secteur d’activité. J’ai donc essayé d’expliquer les meilleures et pires pratiques de marketing personnel qu’on peut observer. Et je te jure que parfois, c’est assez surréaliste !

« Le Strat’Ego » recense nos pratiques dans notre sphère professionnelle mais également dans notre vie privée ? 

Yannick : Tu as effectivement des gens qui mélangent un peu tout mais l’utilisation du « Strat’Ego » est avant tout professionnelle. Il s’agit d’abord de faire un « self-SWOT », en ayant conscience de ses propres forces, faiblesses, menaces et opportunités, d’analyser sa situation et de déterminer ses objectifs. Une fois ces objectifs posés, la première chose à faire est souvent une opération nettoyage. Je suis d’ailleurs le premier à avoir fait des erreurs ! Des fois, tu relis tes vieux tweets et tu te dis « ah quand même, c’est toujours public ça ?! Je vais peut-être l’enlever ». « Le Strat’Ego » est avant tout une méthode qui donne des conseils pratiques et des exemples concrets.

As-tu un exemple de pratiques à ne pas reproduire ? Peut-on vraiment ruiner une carrière sur un tweet ?!  

Yannick : Il en existe plein mais un exemple emblématique est celui de Justine Sacco, une Américaine de 24 ans qui travaillait pourtant dans la comm’ à haut niveau en tant que responsable de la communication du groupe de medias IAC, et qui a clairement sous-estimé la viralité de Twitter en publiant auprès d’un nombre restreint de quelques centaines de followers : « Going to Africa. Hope I don’ get AIDS. Just kidding. I’m white! ». Ce tweet raciste n’est pas passé inaperçu et le temps de son voyage en avion, un hashtag « #HasJustineLandedYet » avait même été lancé. Quelques heures ont suffi pour créer un bad buzz et un lynchage au niveau mondial. A son arrivée en Afrique du Sud, Justine a été licenciée et elle a reçu plusieurs menaces de mort. La suppression de ses comptes Facebook et Twitter n’a pas suffi à éteindre la polémique. En définitive, tout le monde a le droit de faire des erreurs sur Internet mais attention, certaines formes d’humour et le second degré peuvent être très mal perçus…

Pourtant, la sacro-sainte liberté d’expression n’a-t-elle pas contribué au développement des réseaux sociaux ?

Yannick : Le paradoxe avec les réseaux sociaux, c’est que l’on touche dans un monde immatériel aux limites de la liberté d’expression. Publier un contenu sur Internet, ce n’est pas débiter des brèves de comptoir au bistrot du coin, on ne peut pas dire tout et n’importe quoi. Il y a des règles à respecter, notamment celles qui encadrent la liberté d’expression et t’exposent à des conséquences juridiques. Je conseille également d’éviter de faire de l’ethnocentrie. C’est-à-dire de bien considérer que lorsqu’on prend la parole sur les réseaux sociaux, on s’adresse à des cultures et des sensibilités différentes.

Quels sont alors les principaux principes à respecter pour un comportement plus responsable sur les réseaux sociaux ?

Yannick : D’une part, déterminer son message : savoir ce que l’on veut communiquer, auprès de quelle cible et avec quel objectif. Il faut aussi donner pour mieux recevoir. « Le Strat’Ego », ce n’est pas le culte du je, ce n’est pas Dorian Gray. On peut mettre en valeur ses réalisations mais également celles des autres. Le « moi je » ne peut pas tourner en boucle ! Il faut également poster de manière pertinente. Par exemple, la majorité de nos femmes et hommes politiques disposent de community managers mais quelle est la perception du public quand on constate des comportements de twittos compulsifs, à plus de 10 tweets dans une même matinée ? La perception est que les politiques ne font plus que ça, toujours privilégier la comm’ plutôt que le fond. De plus, les polémiques à coup de « tweets clashs » nuisent à leur crédibilité. Peut-on dépasser le stade de la cour de récréation ? Pour faire mieux, il serait plus intelligent de poster de manière pertinente : cela signifie du contenu de qualité, au bon moment en fonction du réseau choisi et de son secteur d’activité. Je vous conseille aussi de benchmarker : il peut être utile d’identifier quels sont les influenceurs de son propre secteur d’activité pour avoir une idée des pratiques les plus efficientes par rapport à l’objectif défini.

Suite aux récentes polémiques qui ont touché Facebook, penses-tu que ce réseau en particulier peut disparaître ?

Yannick : Depuis déjà un certain temps, Mark Zuckerberg est l’empereur des excuses : « C’est pas moi, je ne l’ai pas fait exprès ». Mais il y a une différence entre publier #DeleteFacebook et le faire réellement. Pour passer de 2 milliards d’utilisateurs à zéro, cela va prendre du temps ! Ce qui est intéressant, c’est de savoir quel va être le taux de renouvellement des abonnés Facebook au sein de la prochaine génération. Son succès va-t-il être aussi colossal ? Je pense qu’il va y avoir une crise de renouvellement.

Ce concept de « Facebook depression » est-il d’ailleurs réellement mesuré ?

Yannick : Ce concept est d’une telle évidence mais c’est maintenant scientifiquement prouvé, une nouvelle fois grâce à la Royal Society of Health. Quand tu as 14 ans et que tu postes une photo de toi sur Facebook, tu veux naturellement des likes. Plein de likes. Il suffit d’un(e) imbécile pour générer du rejet et des phénomènes de harcèlements, exacerbés auprès de jeunes qui cherchent à se construire. Aujourd’hui, les deux co-créateurs du bouton like, Justin Rosenstein et Leah Pearlman, ont quitté Facebook et regrettent amèrement leurs inventions. A l’extrême, il est difficile de nier la responsabilité de Facebook dans certains cas de suicides d’adolescents. A tel point qu’une génération sacrifiée a dû apprendre à se débrouiller toute seule face aux réseaux sociaux. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une génération d’adultes a été incapable de transmettre un savoir à la génération suivante puisqu’elle était non exposée. Mais je suis persuadé que la génération qui a subi cette phase d’apprentissage des réseaux sociaux est déjà bien plus rigoureuse et attentive par rapport aux usages des plus jeunes.

Tu nous dis que nous assistons en ce moment à un mouvement de « techno-raison » qui correspond à la phase d’adolescence du cycle. Quid de l’âge adulte ? Quelle sera la situation dans les dix prochaines années ?

Yannick : Il s’agit d’un début de reprise de contrôle des écrans. Suite à de nombreux scandales, nous assistons à une prise de conscience collective que notre vie privée technologique n’a pas à être connue par des tiers, que nos données n’ont pas à être vendues. De plus, les utilisateurs réalisent qu’ils peuvent vraiment faire changer les choses eux-mêmes. Quand le mouvement #DeleteFacebook a été repris par de très nombreux utilisateurs, cela a coûté à Facebook près de 80 milliards de dollars de capitalisation. Tu as également des phénomènes de « digital détox » : l’idée n’est pas de se couper des réseaux mais de se rendre compte que parfois, certains utilisateurs consultent leur smartphone 350 fois par jour. On lutte aussi maintenant contre la « nomophobie », la peur d’être éloigné de son téléphone portable. On finit par se demander comment nous avons pu vivre sans portable, alors que nos usages ont évolué de manière paradoxale : même si tout le monde est connecté, il est maintenant bien plus fréquent de tomber sur la messagerie de la personne qu’on appelle et nous perdons parfois en réactivité puisque nous sommes sur-sollicités.

De manière plus personnelle, quels sont les réseaux que tu utilises toi-même et quelles sont les habitudes d’usage que tu as changées ? 

Yannick : J’utilise surtout les réseaux Twitter et LinkedIn de manière professionnelle. Je relaie mes propres activités, comme mes publications et mes chroniques sur The Conversation, un média indépendant alimenté par la communauté universitaire. Mais je relaie aussi ce que font les autres sur les sujets qui m’intéressent au sein de GEM et en dehors. J’ai surtout réduit le temps que je passe sur les réseaux sociaux, et j’ai modifié les moments de posts pour qu’ils soient plus pertinents.

Pour terminer, parlons d’avenir ! Quel est le prochain grand sujet qui te donne envie d’écrire ?

Yannick : Le nouveau combat est forcément celui contre la censure. Nous censurons aujourd’hui Internet pour des prétextes fallacieux. En France, notre gouvernement travaille actuellement sur un projet de loi contre les « fake news », terme démocratisé par Trump. En définitive, nous sommes en train de priver l’individu de la capacité de juger par lui-même. Le contenu de ce projet de loi pourrait être très dangereux car nous avons déjà tout un arsenal juridique contre ce genre de pratiques en France. Aujourd’hui, relayer une fausse nouvelle relève déjà du pénal. Par contre, voir le spectre d’une autorité administrative ou d’un gouvernement qui déciderait à ta place de ce qui est vrai et ce qui est faux, il s’agirait d’un retour à la Pravda ! Bien sûr qu’il existe des dérives sur Internet, bien sûr qu’il faut les combattre mais en faisant preuve de pédagogie et d’éducation auprès des nouvelles générations, en utilisant des outils efficaces. Il faut protéger la liberté d’expression tout en respectant les lois et en sachant qu’on ne peut justement pas tout dire.

Nous souhaitons à Yannick Chatelain un maximum de succès pour la sortie de son « Strat’Ego ». Pour connaître son actualité, n’hésitez pas à suivre son fil Twitter (avec modération donc !) et à visiter sa chronique régulière sur The Conversation.

Pour vous procurer son ouvrage, RDV sur les sites Fnac ou Amazon. Vous avez aussi le choix de quitter le monde digital en vous rendant dans toute bonne librairie ;-)

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